Cycle 1996-1997 : Conclusion

La modernité

Au terme de ce long parcours, que pouvons nous-dire de la modernité?

Notion confuse aux acceptions multiples, nous la voyons qualifier des termes aussi variés que ceux d’Etat, de technique, de musique, de peinture, d’idées, de moeurs… Finalement, tout au long de ces exposés, l’idée de modernité nous est apparue comme une catégorie culturelle qui exprime un changement des mentalités et c’est bien par ce biais des mentalités que l’on peut essayer de la saisir. La modernité, comme Pierre Chaunu a déjà essayé de nous le dire, ce sont d’abord des idées, ou plutôt un état d’esprit.

Mais la modernité, on l’a vu, c’est aussi autre chose; et de là naîtront les questions qu’elle nous pose aujourd’hui.

Pour commencer, retenons ce qui nous paraît constituer les idées-force de la modernité.

Les idées-force de la modernité

1 – La modernité c’est, en premier lieu, l’affirmation de l’individu, à divers plans:

– un être autonome, seul responsable de son destin au regard de toute institution humaine et seul responsable de son rapport à Dieu.

– un être libre dans sa conscience et dans son intelligence, qui n’a pas à se conformer aux directives ou aux injonctions d’une quelconque autorité, libre de ne pas admettre et de critiquer ce qui lui semble inacceptable, selon tel ou tel critère qu’il estime pertinent, notamment le critère de la raison jugée universellement partagée.

– un être libre enfin face au pouvoir, libre au regard de la cité, ayant vocation à participer comme citoyen à la gestion des affaires publiques.

Cette volonté d’émancipation de l’individu, cette conquête de l’autonomie du sujet, marque une rupture certaine avec le passé. Elle est réaction à la pression du groupe social. Pression originelle et quasiment universelle, qui s’est toujours traduite, sous les formes les plus variées, par une organisation sociale assignant à chacun sa place et fournissant de l’ordre social une explication qui s’impose à tous.

Dans cette conquête de la liberté individuelle, il faut souligner la place importante tenue en son temps par la Réforme qui revendiqua la liberté de conscience et l’autonomie du jugement.

2 – La modernité, c’est ensuite, incontestablement, la science devenue efficace, une science capable de donner de la réalité une interprétation qui, à son tour, donne prise sur cette même réalité.

Là est la nouveauté. La science ancienne ne permettait pas, ou très peu, d’agir sur la réalité. Ses domaines d’excellence, les mathématiques et l’astronomie, étaient plutôt hors de l’action. En tant que sciences, la mécanique balbutiait, la chimie et l’optique étaient inexistantes. Les sciences de la nature étaient seulement d’observation et de classement. Les réussites techniques, remarquables en certains domaines, étaient pour la plupart le fruit de l’empirisme. La nouveauté de la science moderne est que, progressivement, elle permit des applications ne découlant pas seulement d’une technique empirique.

Trois traits essentiels, qui sont de nouvelles dispositions d’esprit, caractérisent cette science occidentale naissante. D’abord, l’observation systématique et l’expérience comme sources de réflexion, et non plus seulement la méditation des écrits des anciens, toute opinion antérieure pouvant être remise en cause. Ensuite, le recours à l’abstraction dans les explications fournies, en faisant, s’il le faut, une lecture mathématique du grand livre de l’univers (Galilée). Enfin, le débat et la discussion par la confrontation des expériences. On n’aura garde d’oublier non plus que cette naissance de la science moderne fut accompagnée d’une nouvelle vision de l’univers (Copernic) et du monde terrestre (découvertes géographiques); et qu’elle n’est pas indépendante du progrès pratique des instruments d’observation et de mesure, ni du progrès des mathématiques et, notamment, du calcul.

3 – La modernité ce sera, un peu plus tard, la grande idée du progrès, l’une des idées maîtresses du siècle des « Lumières »:

« Aujourd’hui peut être meilleur qu’hier et demain peut être meilleur qu’aujourd’hui ».

Cette idée est en opposition complète avec les conceptions anciennes selon lesquelles l’histoire ne serait qu’un éternel recommencement et le monde, par nature, dans un état stationnaire. Pierre Chaunu, dans la conférence d’introduction, l’a souligné: à la racine de cette idée de progrès, il y a dans les esprits un véritable retournement de la notion du temps.

4 – La modernité, encore, se révèlera être une puissante force de laïcisation, en rupture avec une vision du monde qui faisait remonter à la divinité l’explication ultime de toutes choses et plaçait la théologie au sommet de la pyramide des savoirs.

La laïcisation porta d’abord sur le savoir physique. La connaissance scientifique se passa assez vite de la théologie. Mais il en fut ensuite de même des idées sur la société. Droit naturel, contrat social, morale naturelle, le siècle des « Lumières » rejeta tout fondement théologique à l’organisation de la société et considéra cette dernière comme une affaire humaine, qu’il s’agisse du pouvoir ou des rapports entre les hommes, de politique ou de morale. La laïcisation enfin portera sur le futur, en ce sens que l’espérance d’un temps « paradisiaque » finira par être reportée d’un au-delà céleste à un monde terrestre.

5 – Enfin la modernité est une revendication d’universalisme. Par delà les différences de fait qui séparent les hommes des diverses cultures ou nations, il est reconnu que chaque homme, quel qu’il soit, en vaut un autre (cf Rousseau: Discours sur l’inégalité). Cette affirmation, reprise du judéo-christianisme, est au fondement de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1791.

Tels sont les thèmes majeurs, qui, sans doute avec d’autres, émergent, ou ressurgissent, à partir du XVIème siècle. Ils s’imposèrent peu à peu, imprégnant les mentalités et marquant une évidente rupture avec le passé, même s’ils n’étaient pas totalement nouveaux et avaient parfois des racines historiques très anciennes. Autant, d’ailleurs, que chacun de ces divers thèmes, ce qui fait la modernité c’est leur conjonction, en soi entièrement nouvelle.

Les deux phases de la modernité – La seconde modernité

Mais la modernité, celle que nous vivons tous aujourd’hui, n’est pas que cela. Elle est beaucoup plus. Elle est la révolution scientifique et technique, qui a changé nos vies et continue de les bouleverser par ses multiples effets. Pour comprendre véritablement ce qu’est la modernité, nous devons donc distinguer en elle deux grandes phases.

La première phase c’est l’émergence, à partir du XVIème siècle, des thèmes majeurs que nous venons de citer. Ils se situent dans le domaine des idées et des mentalités. Dans cette première phase, la modernité concerne donc les choses de l’esprit. Et comme les idées retentissent sur les faits, les idées « modernes » auront un aboutissement, notamment dans la Révolution Française. Les valeurs révolutionnaires (Déclaration des Droits de l’Homme etc..) sont dans le droit-fil de l’esprit des « Lumières« . Pour autant, la réalité socio-économique, dans ses profondeurs, n’en subissait pas de bouleversement important.

La deuxième phase de la modernité, c’est la « révolution« , ou plutôt la mutation, scientifique, technique et industrielle, partie d’Angleterre à la fin du XVIIIème siècle. Incontestablement, elle est née de la première phase au cours de laquelle elle a longuement mûri. Mais cette seconde modernité est en même temps tout autre chose. Cette mutation fait entrer progressivement la modernité dans les faits; ce n’est plus seulement la modernité dans l’esprit, c’est désormais la modernité dans les choses, c’est-à-dire dans la vie de tous les jours, par la rationalisation progressive de toutes les formes de l’activité humaine et surtout par la multiplication et l’abondance des biens produits. La modernité bouleverse de ce fait la réalité socio-économique. Elle devient universelle dans ses effets. Elle touche chacun de nous, dans son univers mental comme dans sa vie matérielle, dont les conditions sont totalement changées. Au point que certains l’ont comparée (mutatis mutandis) à la grande révolution dite « néolithique » qui, il y a quelque dix mille ans, avait, une première fois, bouleversé la condition humaine. On va jusqu’à parler de « nouvelle civilisation« .

Or ce sont bien ces changement de civilisation qui nous préoccupent aujourd’hui. Presque toutes les mises en question qui nous assaillent trouvent leur cause principale dans les transformations scientifiques, techniques et industrielles et leurs conséquences de tous ordres. C’est le cas de la plupart des questions abordées dans ce cycle: le travail, la ville, la situation de la femme, la difficulté d’imaginer un avenir…

Constatation capitale donc: c’est le progrès scientifique et technologique, dans toutes ses applications et dans tous ses effets, qui conduit à s’interroger sur la modernité.

Une première synthèse: la société industrielle du XIXème siècle

Pour approfondir notre réflexion, il faut nous souvenir que, dans une première époque de l’ère industrielle, se constitua comme un premier type de société « moderne » qui, aux valeurs propres des « Lumières« , à l’idéal « Liberté, Egalité, Fraternité« , avait joint d’autres valeurs, des valeurs plus « instrumentales » si l’on peut dire, permettant en quelque sorte d’atteindre l’idéal représenté par les premières. Nous pensons particulièrement ici à la société de la Troisième République d’avant 1914 et aux valeurs qu’illustra le célèbre « Tour de France par deux enfants« . A peu de différences près d’ailleurs, on pourrait sans doute citer aussi l’exemple de la société du Second Empire ou de la société victorienne.

Ces valeurs « ajoutées » de la modernité du XIXème siècle, c’est d’abord l’idéal du travail, élévé au rang de valeur noble de la société, fondement du lien social et moyen de l’ascension sociale, avec son cortège de valeurs morales comme l’honnêteté et l’esprit d’économie. C’est ensuite une conception de la famille fondée sur le respect des « anciens« , la solidité du lien familial et une certaine place de la femme. C’est enfin l’amour de la patrie, la nation devenant, dans les moments extrêmes, la valeur supérieure à laquelle on peut être appelé à sacrifier sa vie. Que ces valeurs aient été dévoyées par le régime de Vichy n’empêche pas qu’elles étaient au fondement de la morale républicaine, en même temps que les valeurs héritées de 1789 et de l’époque des « Lumières » (cf Jean Baubérot). Il s’était opéré comme une sorte de synthèse rassemblant ce que l’on pourrait appeler les valeurs d’une « première société industrielle« .

L’idée d’un progrès matériel, moral, social, par l’instruction et par la science, en était comme le couronnement.

La grande remise en question

Or cette synthèse était instable.

Ebranlée par les drames de la première moitié du XXème siècle, elle a subi comme un choc l’accélération incessante du progrès scientifique et technique. Toutes les valeurs que l’on vient de rappeler, notre siècle a fini par les mettre en question. Tous nos conférenciers l’ont souligné: en cette deuxième moitié du siècle, et surtout au delà de l’année symbole que fut 1968, les interrogations les plus fondamentales se sont fait jour. Par sa propre dynamique, la modernité s’est elle-même remise en cause. On désigne parfois cela par le terme de « post-modernité« .

Le travail d’abord. Du fait de l’évolution technique et économique, il joue mal aujourd’hui son rôle d’intégration sociale. D’abord il se fait rare. Pour fonctionner, il n’est pas sûr que nos machines économiques, qui ont besoin de tous comme consommateurs, aient besoin de tous comme producteurs. En plus il a changé de nature et demande d’entrée des qualités qu’il permettait autrefois d’acquérir (cf Denis Piveteau). On peut s’interroger sur sa place comme valeur sociale fondamentale.

La famille. La transformation des conditions de vie, le changement des mentalités et surtout l’émancipation des femmes, dans nos sociétés, (cf Françoise Gaspard) ont bouleversé les données. Si beaucoup d’indices permettent de penser qu’une certaine idée de la famille va subsister, c’est sûrement selon un « modèle » (ou plusieurs?) totalement différent de ce que la modernité avait d’abord construit, à partir de modèles plus anciens. Un tel changement du modèle familial ne serait pas le premier dans l’histoire.

La patrie. Elle s’appuyait sur la notion d’espace national. Mais la modernité a bouleversé, bouleverse encore, notre sens de l’espace. Aucun « pré carré » n’est absolu ni voué à l’éternité. La modernité conduit à l’élargissement des espaces de vie des communautés humaines. Les espaces nationaux, légués par les siècles antérieurs, sont forcément appelés à être dépassés. Or, si la patrie est espace, elle est aussi communauté de culture et le XIXème siècle (et même le XXème à ses débuts) était arrivé à faire coïncider espace et culture, dans un cadre national fortement structuré. Le problème est aujourd’hui de structurer un cadre politique efficace qui corresponde aux nouvelles dimensions des communautés humaines et, en même temps, de garantir la continuité, la prospérité, et même l’épanouissement, des cultures nationales.

Mais il est des questions plus fondamentales encore. Qu’en est-il de ces thèmes majeurs, constitutifs de la modernité, que nous évoquions au début de cette conclusion ? Deux d’entre eux, certes, semblent triompher plus que jamais dans la modernité actuelle.

Le développement des connaissances scientifiques s’affirme de plus en plus comme la substance même de la modernité, entraînant tout le reste à sa suite. Les sciences sont devenues l’une des bases de nos sociétés. Elles vont en s’accélérant, à un rythme maintenant plus rapide que celui des générations. Certains historiens pensent que, indissociablement mêlées à la technique, elles sont désormais le moteur principal de l’histoire.

D’autre part, dans nos pays, la laïcisation de la société s’est accomplie. Celle du savoir, celle du pouvoir, celle des diverse formes de l’organisation sociale. De ce point de vue, le problème des religions est de trouver leur place et leur expression au sein d’une modernité laïque.

Par contre, les autres idées-force rappelées plus haut suscitent plus que jamais le doute, l’interrogation et la critique. Nous voulons parler de l’affirmation de l’individu, de l’idée universaliste et de la notion de « Progrès« .

On ne croit plus au « Progrès« , au sens général du terme, en tant qu’il acheminerait vers un futur meilleur. Le spectacle souvent donné par le XXème siècle, l’accumulation de morts innombrables, la misère invaincue; les interrogations éthiques qui naissent de certaines avancées scientifiques; l’incapacité enfin de se forger une vue de l’avenir, expliquent cette déshérence. Tous nos intervenants, notamment Gilles Lipovetsky et Zaki Laïdi, l’ont abondamment souligné.

L’universalisme, de son côté, est battu en brèche par le souci d’une affirmation et même d’une défense identitaire. Soit que le dépassement nécessaire du cadre national, auquel on vient de faire allusion, semble mettre en péril des cultures qu’ébranlent déjà les autres transformations de la modernité et fasse craindre une perte d’identité; soit encore que des identités, des cultures qui n’avaient pas vraiment eu encore leur cadre national, revendiquent ce dernier comme valeur suprême.

Enfin l’affirmation de l’individu, qui, avec les sciences, est finalement à la racine de la modernité, fait question. L’individualisme est discuté du fait de ses excès. Il suffit de reprendre ici les conclusions de chacun de nos intervenants:

Denis Piveteau: il faut reconstruire les solidarités, il faut reconstruire le lien social.

Jean-Marie Delarue: Il faut que notre démocratie locale devienne capable de décider de notre vie collective et d’assurer l’unité de celle-ci dans nos agglomérations.

Jean Baubérot: il faut reconstruire une morale sociale qui mette fin à l’isolement et à la précarité de l’individu.

Françoise Gaspard: La modernisation de notre société suppose la co-décision de femmes et des hommes et conduit à repenser la séparation des sphères publique et privée.

Gilles Lipovetsky: il faut faire gagner l’individualisme responsable face à l’individualisme irresponsable.

Zaki Laïdi: pour éviter la « société de marché » (tout est régi par l’intérêt individuel, tout est marchand, le lien social n’existe pas), il faut sauvegarder les médiations sociales et culturelles qui encadrent la vie économique et réservent de larges sphères non marchandes.

Vers des « valeurs » de la modernité ?

De telles conclusions ne veulent pas dire, bien sûr, qu’il faille revenir sur l’autonomie conquise par le sujet, acquisition fondamentale de la modernité, avec le progrès des sciences. En réalité, ce dont il s’agit, c’est de la dialectique du « Je » et du « Nous« . Pierre Chaunu le rappelait dans son introduction: il ne saurait y avoir de société durable sans une égale attention portée au « Je » et au « Nous« , au « moi » et à l’ »autre« .

Revenons au passé le plus lointain. L’émergence de l’homme, on le sait, s’est faite en groupe et la sauvegarde du groupe est une nécessité première et instinctive. Durant des millénaires, que le groupe soit tribu, village, cité, royaume ou empire, son existence a impliqué une pression sociale extrêmement forte, manifestée dans des pouvoirs, étayée sur des croyances et, comme dit plus haut, assignant à chacun sa place définitive dans la collectivité. Contre cette pression du « Nous« , le « Je » s’est toujours plus ou moins manifesté. Bien avant notre modernité déjà, on a pu le voir s’affirmer avec force, au moins dans l’hellénisme et dans le judéo-christianisme.

A cet égard, ce qui fait aujourd’hui la spécificité de notre modernité, c’est que l’émancipation de l’individu s’y exprime désormais sous de multiples facettes et à tous les niveaux; et surtout qu’elle s’est conjuguée avec de puissants facteurs d’évolution. En particulier l’individualisme a trouvé dans les progrès matériels de la seconde modernité (et malgré les servitudes collectives que ceux-ci impliquent) les moyens de se réaliser à un degré jamais atteint (Gilles Lipovetsky a parlé d’hyper-individualisme), tant par les moyens disponibles pour chaque individu que par le fait que tout le monde peut en bénéficier. Dans une certaine mesure, on pourrait dire que la modernité a créé les conditions qui permettent la réalisation de ses idéaux, tout en multipliant par ailleurs les obstacles.

La question paraît donc bien, désormais, de ne pas franchir les limites au delà desquelles le fonctionnement d’une société fondée sur la liberté serait compromis, ce qui, par contre-coup, aurait probablement pour effet d’entraîner finalement la remise en question fondamentale de l’autonomie de l’individu. C’est bien ce qu’ont voulu dire nos intervenants quand ils parlent de reconstruire le lien social, d’associer l’individualisme au principe de responsabilité, de savoir limiter le domaine du marché et de reconnaître l’existence d’une nécessaire sphère non marchande, en un mot d’assigner des règles à l’autonomie et à la liberté de l’individu, c’est-à-dire, finalement, d’affirmer un certain nombre de valeurs.

Mais la réponse n’est pas évidente. Au nom de quoi ces règles ? au nom de quoi ces valeurs ?

Jusqu’à-présent, face à l’individu, le lien social s’était toujours affirmé sous forme de valeurs collectives appuyées elle-mêmes sur un système global de sens, à son tour fondé sur des croyances ou des mythes communément partagés. Or ces derniers se sont effondrés: la modernité, selon l’expression bien connue, a conduit au désenchantement du monde (Max Weber). Les croyances religieuses ne sont plus partagées par tous. Le principe même de l’autonomie du sujet semble s’opposer à l’existence d’un système global de sens, désormais contesté. Les mythes de substitution, fondés sur la Nature, la Vie, la Science ou l’Histoire, n’ont conduit qu’à des impasses (pour ne pas dire plus). Les valeurs, notamment les valeurs collectives, ne peuvent donc plus avoir d’autre fondement qu’elles-mêmes. L’individualisme ne peut plus trouver sa règle morale qu’en lui-même.

En serons-nous capables ? Les « valeurs » peuvent-elles se passer du fondement des croyances ? Comment concilier autonomie du sujet et système global de sens? C’est bien la question fondamentale que nous pose aujourd’hui une modernité que le progrès incessant des connaissances et des techniques pousse en avant de manière irrésistible.

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