Cycle 2008-2009 : Introduction

L’univers en devenir

L’univers en devenir, qu’est-ce à dire ? Nous savons bien que tout change autour de nous. On ne nous parle que de mondialisation ; on nous dit sans cesse qu’il faut nous adapter. Les technologies nouvelles, Internet et autres, bouleversent notre façon de vivre et changent les relations entre les hommes.

Mais c’est d’un tout autre sujet que nous voulons parler. Il s’agit, hors de nos préoccupations quotidiennes, de nous faire prendre clairement conscience que la nature autour de nous, dans son sens le plus large, du minéral au vivant, de l’infini de l’espace aux plus petites particules, ne fait qu’évoluer Seules, peut-être, restent inchangées les lois fondamentales de la physique.

Or cette idée que le monde évolue fut longtemps totalement étranger à l’esprit humain. Du plus loin qu’on le sache, les hommes ont toujours cru que le monde qui nous entoure, le ciel comme la terre, formait un univers stable, immuable et éternel. Tout au plus, les mouvements observés ne pouvaient traduire qu’un éternel recommencement.

Pourtant, à deux reprises, sans qu’il s’agisse véritablement de l’idée d’une évolution de l’univers, se manifesta l’intuition d’une sorte « d’avancée » possible de l’histoire.

Une première fois, quelques siècles avant note ère, le peuple juif, intégrant d’ailleurs dans sa pensée religieuse des éléments venus d’Iran, crut que le monde pouvait avoir un destin. Il vécut dans l’attente apocalyptique qu’était proche l’avènement d’un monde nouveau échappant au mal. Espérance que le christianisme reprit, en annonçant, dans une vaste histoire du salut, la succession de la Création, de la Chute et de la Rédemption, au terme de laquelle, toutes choses seront faites nouvelles. C’était là une idée entièrement neuve : l’Histoire pouvait mener quelque part – on parlera désormais de la « flèche » du temps. Mais c’était aussi, remarquons-le, un espoir qui se situait au plan spirituel et moral : ce que l’on attendait, c’était un monde où le bien l’aurait emporté sur le mal, et donc délivré de la mort.

Bien plus tard, en Occident, à l’époque des « Lumières », dans l’élan de la « modernité », surgit l’idée de « progrès » : demain serait meilleur qu’hier. Car, après la révolution scientifique du XVIIe siècle, le progrès des connaissances et des techniques se mit à s’accélérer, au point que l’idée de progrès devint un mythe. Peu à peu nos vies en furent profondément transformées, dans un mouvement qui se poursuit encore et que rien ne semble pouvoir arrêter. C’est ainsi au niveau de la civilisation matérielle, de la vie en société, que se porta – et se porte toujours – notre sentiment que : « tout change autour de nous ».

Mais notre compréhension du monde physique, malgré ces changements dans nos vies et nos mentalités, resta elle, très longtemps, celle de toujours, celle d’un univers immuable dans ses fondements. L’idée que le monde physique lui-même évolue est finalement toute récente.

Elle eut certes quelques précurseurs. À l’orée du XIXe siècle, dans des théories certes encore inexactes, Lamarck (Philosophie zoologique) et Laplace (Système du Monde) avaient soupçonné une évolution possible de l’univers. C’est ensuite, avec Darwin, que l’idée d’évolution fut affirmée avec force, malgré un flot de contestations. Il ne s’agissait là, toutefois, que de l’évolution du vivant. Quant au monde de la matière, le monde terrestre comme le monde sidéral (celui des astres et des galaxies) on le pensait à tout jamais immuable. Einstein lui-même fut très long à admettre que le cosmos pouvait ne pas être fixe et éternel.

Aujourd’hui où en sommes-nous ? Les scientifiques nous disent que, dans sa totalité, l’univers change, qu’il est en expansion, que les étoiles naissent, vivent et meurent. Nous savons aussi que la Terre s’est transformée et que le monde vivant évolue.

Néanmoins, nous avons encore beaucoup de peine à faire nôtre cette idée que la nature, dans sa réalité la plus profonde, est fondamentalement évolutive. Malgré le progrès de nos connaissances en tous domaines, des conceptions « fixistes », pourtant dépassent, imprègnent encore bien souvent nos pensées quotidiennes ; peut-être, même, restent-elles au fondement de certaines de nos idées philosophiques ou théologiques ou, tout au moins, en constituent le cadre, ne serait-ce qu’inconsciemment. Car les changements de l’univers nous sont imperceptibles, nous ne les vivons pas – sinon très partiellement – notamment en raison de la brièveté des temps historiques et humains au regard du temps infiniment long de l’Univers. Cette pensée que toutes choses évoluent est bien loin de notre quotidien.

Dans les pages qui suivent, notre objet est donc, par la description des plus récentes avancées scientifiques, de montrer l’irréalité de toute conception fixiste de l’Univers et de mettre en pleine lumière le caractère essentiellement mouvant de notre environnement fondamental. Le Cosmos évolue sans cesse. La terre que nous connaissons aujourd’hui s’est constituée peu à peu ; elle est le résultat de transformations auxquelles nous pensons rarement et dont il n’y a aucune raison d’imaginer qu’elles soient terminées. La vie elle-même, pour l’ensemble des êtres vivants comme pour l’être humain en particulier, n’est qu’une longue évolution. Une longue évolution, enfin, au terme de laquelle s’est peu à peu affirmé un être pleinement présent à lui-même.

Tels sont les sujets qui sont abordés dans cette brochure. Ils nous conduiront, in fine, à nous demander comment la théologie peut répondre à cette réalité d’un univers en devenir.

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