Souvenirs de São Paulo

Maisons familiales et protestantisme

Avant toute chose, je pense qu’il serait nécessaire de préciser que je ne suis pas née dans une famille protestante. Je précise également que suis née au Brésil.

Mon père, ingénieur, était professeur dans l’institut technologique de l’aéronautique à São Paulo au moment de ma naissance ; 4 ans plus tard, il était transféré dans une université du Ceará (à presque 3000 km de la première ville) ; 2 ans plus tard encore, il intégrait la compagnie pétrolière brésilienne (Petrobras) à Santos avant de s’installer à Rio en 1963.

 

A l’âge de 9 ans, j’avais changé de domicile 4 fois, laissant derrière moi des personnes dont le souvenir, pour certaines d’entre elles, m’apparait encore clairement, tant d’années plus tard.

 

En mars 1964 les militaires ont pris le pouvoir et ont installé une dictature qui a eu des conséquences terribles pour notre famille – ce nouveau pouvoir a persécuté mon père perçu comme étant « communiste » et il a perdu sa situation professionnelle à partir de ce moment-là.

 

Pendant que tout bougeait, tanguait, une chose restait immuable : nous (ma sœur et moi) passions les mois de juillet, puis les mois de décembre et janvier chez nos grands-parents maternels.

 

S’il y a une maison que je pourrais qualifier de « maison familiale », c’est bien celle-là.

C’était pourtant une maison dans la ville de São Paulo, la plus grande ville de l’Amérique latine déjà à l’époque.

Elle était située dans un quartier calme et nous jouions aussi bien sur le terrain de la maison que sur le trottoir, avec des enfants du voisinage.

Notre grand-mère s’occupait de tout dans la maison – elle cuisinait divinement bien.

Pour nous distraire, elle nous emmenait tous les après-midi à la piscine – mais il fallait attendre 3 heures après la fin du déjeuner pour pouvoir y plonger (pas une minute de moins !)

Elle avait aussi un grand chien, deux perroquets et une ribambelle de chats qu’elle nourrissait et qui venaient et repartaient, comme le font tous les chats des rues.

Je me demande aujourd’hui comment elle faisait pour arriver à bout de toutes ces tâches.

 

Notre grand-père, lui, travaillait et il nous emmenait à la messe le dimanche matin.

C’est grâce à lui que j’ai la foi, que la rencontre avec le Christ s’est faite.

Je me rends compte en rédigeant ces lignes que je ne sais pas s’il allait à la messe en dehors des vacances scolaires, ni si, dans l’affirmative, ma grand-mère l’accompagnait… (avait-elle la foi ? avait-il la foi ?)

J’ai le sentiment qu’il le faisait pour nous transmettre quelque chose d’essentiel (avait-il essayé avec ses filles ? en tout cas, elles n’étaient pas pratiquantes).

 

Je dois à ces grands-parents le souvenir d’un lieu où j’ai été heureuse, où j’ai ressenti une stabilité – et la révélation de la foi, plus forte que tous les doutes que j’ai pu éprouver quelquefois. Jusqu’à la rédaction de ces quelques lignes je ne m’étais pas vraiment rendu compte de l’énorme dette à leur égard.

J’espère qu’ils peuvent ressentir la force de mes remerciements, par delà les décennies écoulées depuis leurs départs.

Merci également à Françoise Lafont, pour m’avoir poussée à écrire ces souvenirs.

Marcia De Labbey

Contact