Les Christianismes orientaux
Un Christianisme autrement
Qui se souvient que la foi chrétienne s’est répandue vers l’Est en même temps qu’elle prenait la direction de l’Occident ? et que des missionnaires sont, dès l’origine, partis vers l’Orient, dans la profondeur des immenses terres asiatiques ?
En vérité, à de rares exceptions près, l’Occident chrétien n’a jamais sérieusement regardé au-delà de Constantinople et n’a jamais prêté beaucoup d’attention aux traditions d’une chrétienté asiatique séculaire qui avait choisi de ne considérer ni Rome ni Constantinople comme son centre. Et pourtant, dès les origines de l’évangélisation, celle-ci, partie de Palestine et de la côte syrienne, se fit en « étoile« . Alors que Paul partait vers l’Anatolie, la Grèce et Rome, apportant la foi chrétienne à l’Europe occidentale, d’autres missions partirent vers l’est, vers le nord, vers le sud, au delà des frontières de l’Empire romain, suscitant une expansion considérable du christianisme.
Dans le nord, l’Arménie fut le premier état chrétien de l’histoire; vers le sud le christianisme copte atteignit l’Ethiopie; à l’est l’Eglise « nestorienne » (on verra que ce terme ne convient pas) exercera son autorité non seulement dans l’immense empire des Perses sassanides, qui comprenait alors toute la Mésopotamie, mais au delà, dans toute l’Asie centrale et jusqu’en Chine, sans oublier que des missions chrétiennes atteignirent aussi le sud de l’Inde.
On peut voir dans cette histoire celle de l’affrontement de deux mondes : le monde romain et héllénistique d’un côté, et, de l’autre, le monde au-delà de la frontière de l’Euphrate, frontière que nous, occidentaux, avons tendance à négliger. Mais cette histoire naît aussi de l’imbroglio des violentes controverses théologiques qui embrasent et divisent le monde méditerranéen des premiers siècles. Echappant à l’autorité de Rome et de Constantinople, ces Eglises d’Orient n’acceptèrent pas toutes les décisions des grands conciles oecuméniques. Disputes dogmatiques et rivalités géopolitiques se mêlent donc pour expliquer la naissance de ces christianismes orientaux, dont les théologies ne furent pas nécessairement les mêmes que celles de l’Occident.
Par la suite, l’histoire a pesé sur leur destin. Alors que l’Occident contenait la poussée arabe, qui fut limitée à l’Espagne, l’Islam s’installait en maître dans tout le monde oriental. Bien qu’il fût tolérant, les Eglises chrétiennes d’Orient, quel que fut leur rayonnement, virent leur place limitée puis peu à peu réduite. Quelques siècles plus tard, l’invasion mongole, puis surtout l’empire musulman de Tamerlan, restreignirent encore leur emprise et finit par réduire certaines d’entre elles à peu de choses.
Aujourd’hui beaucoup de questions demeurent sur cette expansion des premières chrétientés asiatiques, mal connues, pour ne pas dire ignorées du grand public. Elles font l’objet d’une recherche poussée. Mais, globalement, cette histoire nous montre qu’il y eut, si l’on peut dire, un « Christianisme autrement » dont subsistent encore de multiples Eglises chrétiennes qui vivent de nos jours en Orient, même si le nombre de leurs fidèles est souvent limité. Que nous ayons intérêt à connaître ce passé et ce qu’il en reste au présent, nous semble une évidence pour mieux nous comprendre nous-mêmes.
Au cours de ce cycle, nous parlerons des trois principales chrétientés orientales, celle d’Orient, dite « nestorienne« , celle des Coptes d’Egypte et celle d’Arménie. Il ne faut pas oublier cependant qu’il y eut aussi, et qu’il existe toujours, l’Eglise copte d’Ethiopie, distincte et différente de l’Eglise copte d’Egypte, et l’Eglise des Jacobites.
Le tableau ci-dessous présente une liste de l’ensemble actuel des Eglises chrétiennes orientales.
Eglises des Deux Conciles ou nestoriennes (refus des conclusions d’Éphèse – 431) |
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– Église apostolique assyrienne d’Orient (ou Église de l’Orient, ou Église perse, ou syro-orientale, ou nestorienne) 2 branches: 1 Patriarche catholicos à Kotchanès (Iran), 1 Patriarche à Bagdad |
chaldéen | syriaque persan arabe |
– Depuis 1552. Église chaldéenne Patriarche de Babylone à Bagdad |
– Eglise syrienne Mar Thoma de Malabar à Muvattupula | chaldéen syro-malabar |
syriaque et malayalam |
– Depuis le XVème s. Église syro-malabar Cal à Ernakulam (Kerala = Malabar) |
Eglises des Trois Conciles ou monophysites (refus des conclusions de Chalcédoine – 451) |
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– Église orthodoxe copte Patriarcat d’Alexandrie au Caire |
alexandrin copte |
copte arabe |
– Depuis 1742. Église copte catholique Patriarcat copte catholique d’Alexandrie au Caire |
– Église orthodoxe éthiopienne Patriarche catholicos à Addis-Abeba |
copte | guéez | – Église éthiopienne catholique. Métropolite à Addis Abeba |
– Église syriaque-orthodoxe (jacobite) Patriarcat d’Antioche à Damas |
antiochien syrien |
syriaque et arabe |
– Depuis 1662. Église syriaque-catholique. Patriarcat d’Antioche à Beyrouth |
– Église orthodoxe syro-malankare à Kottayan (Kerala) | malayalam | – Église catholique syro-malankare à Trivandrum (Kerala) | |
– Église apostolique arménienne (ou grégorienne, ou orthodoxe) + Catholicossat de Cilicie résidant à Antéliaa (Liban) + Catholicossat d’Etchmiadzine résidant à Vagharchapad, près d’Erevan (Arménie) |
arménien | arménien | – Depuis 1740. Église arménienne catholique. Patriarche de Cilicie résidant à Beyrouth |
Églises des Sept Conciles ou orthodoxes (séparées de Rome depuis 1054) |
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– Église grecque-orthodoxe (ou grecque-melkite) | byzantin | grec et arabe |
– Depuis 1724. Église grecque meikite catholique. Patriarcat d’Antioche d’Alexandrie et de Jérusalem des Melkites à Damas |
– Patriarcat oecuménique de Constantinople – Patriarcat d’Alexandrie au Caire – Patriarcat d’Antioche et de tout l’Orient à Damas – Patriarcat de Jérusalem |
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Églises restées toujours unies à Rome | |||
antiochien maronite |
syriaque et arabe |
– Église maronite. Patriarche d’Antioche des Maronites en résidence à Bkerké (Liban) | |
latin | latin | – Église latine, résidence à Jérusalem |
Tome 1, chapitre les Eglises orientales préchalcédonniennes