Cycle 2007-2008 : Introduction

Comment lit-on les textes sacrés ?

L’interprétation du Livre dans les religions monothéistes

Comment les textes sacrés sont-ils lus (ou ont-ils été lus) dans les religions monothéistes ?

Loin d’être dépassée, cette question est au cœur de notre actualité, l’actualité religieuse certes, mais peut-être aussi l’actualité politique, au moins dans certains pays. Car notre époque voit s’opposer une lecture littérale des textes sacrés, fondée sur leur caractère divin, à des lectures qui veulent tenir compte de l’histoire et de l’évolution des cultures depuis que ces Livres ont été écrits. En d’autres termes, devant les changements de civilisation que nos sociétés ont connus, surtout dans les derniers siècles, ces Ecritures peuvent-elles, ou même doivent-elles, faire l’objet d’interprétations renouvelées ?

Au cours de ce cycle, nous tenterons de répondre à ces questions. Nous verrons d’abord comment, dans les trois grands monothéismes, s’est faite et a évolué la lecture des textes sacrés. Puis, dans une dernière conférence qui sera comme une conclusion, nous poserons la question des monothéismes face à la modernité.

Le Judaïsme d’abord. Il est habituel de dire que, depuis la destruction du dernier Temple par les Romains (en 70 après J.C.) et la dispersion du peuple juif, la pensée religieuse israélite, exprimée par les Rabbins, se fonde sur le commentaire et l’analyse incessante des textes de la Bible hébraïque, commentaires et analyses rassemblés notamment dans le Talmud. Que sont ces textes interprétatifs ? Comment se sont-ils formés ? Peut-on en distinguer les grandes lignes ? Dans le temps, décèle-t-on une évolution dans l’approche des textes ? Y a-t-il diverses “ écoles ” de pensée en ce domaine ?

Le Christianisme ensuite. On le sait, les Ecritures chrétiennes sont doubles : l’Ancien Testament, reprise de l’Ecriture juive, c’est-à-dire de la Bible hébraïque, et le Nouveau Testament, collection d’un certain nombre d’écrits des premiers chrétiens. Première question : que signifie cette reprise de l’Ecriture juive ? Comment cette dernière a-t-elle été lue par les chrétiens ? On sait qu’elle fut comprise comme annonçant les évènements du Nouveau Testament et que le peuple chrétien fut considéré comme le vrai destinataire de la Bible hébraïque, comme le véritable Israël, face au peuple juif disqualifié par son rejet du Christ. Méditant ensuite sur les Ecritures et tentant d’en mieux déchiffrer le message, les Pères de l’Eglise en vinrent à définir diverses façons de lire et de comprendre l’Ecriture (lecture historique, allégorique, ….). Quelle place ont-ils faite, les uns et les autres, à la lecture littérale et à l’interprétation ? Comment, finalement, s’est élaboré le Credo de Nicée ?

L’Islam enfin. Assez vite, dans ses progrès, il a connu des tendances divergentes, dont un premier exemple fut, aux environs des 8ème et 9ème siècles, le développement de la pensée mu’tazilite. Ce courant, de tendance rationaliste, défendait la liberté de pensée et jugeait que le Coran, qu’il considérait comme une traduction humaine de la volonté divine, pouvait faire l’objet d’interprétations. Toutefois, après avoir connu un grand succès, ce mouvement fut fortement contré et, par la suite, il semble que la pensée religieuse de l’Islam ait marqué le pas, avec une certaine prééminence des interprétations littérales. De nos jours, face aux écoles intégristes, paraît néanmoins se développer en Islam une pensée religieuse ouverte à la modernité. La pensée islamique saura-t-elle renouer avec l’audace de ses premiers philosophes et théologiens ?

Cependant qu’au sein du christianisme, à partir de la Renaissance puis avec les “ Lumières ”, beaucoup de questions ont été posées en termes nouveaux. Devant le progrès des connaissances générales (géographiques, scientifiques, historiques …) certaines compréhensions de l’Ecriture se sont trouvées remises en question. De plus, l’analyse approfondie des textes, appuyée sur une meilleure connaissance historique et archéologique de l’histoire d’Israël et des pays du Proche-Orient, a conduit à des approches nouvelles. Où en sommes-nous aujourd’hui, avec les derniers développements des diverses recherches ? Quelle peut être aujourd’hui une lecture moderne des Ecritures chrétiennes ?

Tout cela nous conduit à nous interroger sur la position des trois grands monothéismes au regard de la modernité. Faut-il aller jusqu’à dire, avec Hans Küng, que les monothéismes sont encore rivés à un “ paradigme médiéval ” et que tout ira mieux quand ces religions auront atteint le “ paradigme de l’âge moderne ” ? Mais que faut-il entendre par là ? Que signifie passer du “ paradigme médiéval ” au “ paradigme moderne ” ? Comment dire Dieu aujourd’hui ?

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