Cycle 2010-2011 : Du Jésus de l’histoire au Christ de la foi – 1

1) Le monde juif à l’époque de Jésus de Nazareth – Une réévaluation historique

de Simon MIMOUNI, le 4 décembre 2010

Jésus était juif. Aussi ne saurait-on comprendre son message sans bien connaître le monde juif de cette époque, tant de langue grecque que sémitique. Ce judaïsme antique était dispersé entre des communautés vivant en Palestine, ou en dehors (la diaspora). Aux premiers siècles de notre ère, on peut le voir sous trois faces : le judaïsme hellénistique, majoritaire ; le judaïsme rabbinique, d’origine babylonienne ; et le judaïsme chrétien. On comprend ainsi qu’il y ait eu une multiplicité de courants à l’intérieur du judaïsme ancien.

Examinons d’abord la situation politique, et pour commencer, en Palestine. Elle est le fruit de l’histoire. Après l’ »Exil », la Palestine avait été incorporée à l’Empire Perse (- 539) ; suite à la conquête d’Alexandre, elle passera sous l’autorité de l’Égypte, puis de la Syrie et finalement, après une courte période d’indépendance, sous la dépendance de Rome (- 63), selon un schéma assez complexe : d’abord des royaumes vassaux, puis, à partir de l’an 6, une province romaine qui ne comprend qu’une partie de la Palestine, principalement la Judée. De sorte que Jésus, qui vécut la plus grande partie de sa vie en Galilée, vécut hors de la domination romaine directe. Plus tard, deux grandes révoltes, en 66 et en 132 ensanglantèrent le pays. Celle de 66 entraina la destruction du Temple en 70. Ce fut une catastrophe.

Quant à la diaspora, elle résulte d’un vaste mouvement d’émigration ; tantôt forcé, tantôt spontané, à peu près ininterrompu depuis la fin des Royaumes d’Israël et de Juda et qui aboutit à d’importantes communautés juives dans l’espace romain, mais aussi dans l’espace iranien, notamment en Babylonie. Émigration forcée, à la suite de déportations qui virent des colons juifs (souvent des militaires) transplantés en Égypte, en Syrie, en Anatolie, sans parler des dizaines de milliers de Juifs jetés sur les marchés d’esclaves. Émigration spontanée, lorsque l’Empire romain fut installé et que l’on put circuler librement. Partout où se constituèrent ainsi des noyaux juifs, ils firent rayonner le judaïsme (et plus tard du christianisme) ; les plus importants furent ceux d’Égypte et de Babylonie, sans oublier Éphèse, Rome ou Antioche.

Au point de vue religieux, ensuite, soulignons, pour commencer, le fait que la nation juive a joui, dans l’Empire romain, d’un statut très particulier : liberté de pratiquer leur culte et dispense notamment, des rites du culte impérial (ce qui explique les difficultés des chrétiens lorsqu’ils voulurent sortir du judaïsme).

Cela dit, résumons rapidement quels furent, en matière religieuse, les principaux traits spécifiques du judaïsme aux premiers siècles de notre ère :

  • le monothéisme, résultat d’une évolution à partir du temps des anciens Royaumes pour lesquels il faut plutôt parler de monolâtrie. Être juif n’était d’ailleurs, pas seulement croire en un Dieu unique, c’était aussi respecter ses commandements et une pratique rituelle rigoureuse.
  • le Temple de Jérusalem, à tous points de vue centre de la vie religieuse. L’orthopraxie judaïque culmine avec les sacrifices et les solennelles liturgies du Temple sur lesquelles la caste sacerdotale a la haute main.
  • la Synagogue, dont on discute l’origine. Elle s’est implantée d’abord hors de Jérusalem, pour les Juifs ne pouvant se rendre régulièrement au Temple. Tout sacrifice y est exclu. Plus tard les synagogues se multiplièrent, même à Jérusalem. C’est sûrement grâce à elles que le judaïsme put survivre à la destruction du Temple en 70.
  • la Torah, c’est la « Loi », que nous connaissons par le Pentateuque. En fait, elle est instruction et pas seulement loi. Les prescriptions juridiques qu’on y trouve ne prennent sens que dans une vision du monde selon laquelle l’ordre de la Création exige la justice sociale. À partir du premier siècle de notre ère, il y eut d’ailleurs beaucoup de discussions entre Juifs pour savoir qui est à même d’interpréter la Torah. Les divergences sur l’interprétation furent source de conflits entre les divers courants du judaïsme. Finalement, le Pentateuque fut moins un corps de doctrines agréées, unissant tous les Juifs, qu’un symbole, en quelque sorte un drapeau.

Venons-en pour terminer aux divers courants du judaïsme au début de notre ère. Ils furent nombreux et firent preuve d’une grande créativité réformatrice et purificatrice, face à une société en pleine décomposition et une réalité nationale sur le point de s’effondrer. Notons en particulier que, dans l’Antiquité, le souci de pureté était au cœur des préoccupations. Il ne s’agissait pas seulement de se laver ; il fallait se purifier.

L’historien juif Flavius JOSÈPHE nous décrit quatre courants religieux. Nous en mentionnerons trois :

  • les Sadducéens qui représentent l’aristocratie sacerdotale. Jusqu’à la destruction du temple en 70, leur pouvoir est fondé sur le Temple et donc sur le culte sacrificiel. Ils dominent le Sanhédrin et sont très attachés à la lettre du Pentateuque. On considère qu’ils ne croient pas à la résurrection.
  • les Pharisiens se recrutent parmi les scribes. Leur influence s’étendit peu à peu à toute la vie religieuse de la nation juive. Après la catastrophe de 70, ils devinrent, en fait, les seuls représentants du judaïsme. Ils sont centrés sur la méditation et la pratique de la Loi, préoccupés de préciser dans quelles conditions elle s’applique aux situations non prévues par le législateur. À l’inverse des Sadducéens auxquels ils s’opposaient, ils croient à la résurrection.
  • les Esséniens, auxquels on rattache les documents de Qumran, forment un groupe de prêtres en rupture avec le Temple et le milieu sacerdotal. Ils se sont retirés de Jérusalem, considérant que le Temple est désormais souillé (toujours la question de la pureté). Ils représentent une forme originale de Judaïsme, formant des communautés qui vivent en marge de la majorité. Ils consacrent beaucoup de temps à la lecture et à l’interprétation des Écritures, faisant preuve d’une grande soumission à la volonté de Dieu. Ils croient en une sorte d’immortalité mais non, semble-t-il, à la résurrection des corps. Apparemment, ils disparaissent aux environs de 70.

En dehors de ces trois courants, il y eut dans le judaïsme de nombreux autres courants prophétiques et messianistes. Parmi eux, il faut évidemment citer les disciples de Jésus de Nazareth qui formèrent un courant du judaïsme au moins jusqu’en 70. Il faut aussi mentionner les groupes baptistes, dont le plus célèbre est celui de Jean le Baptiste, qui intervient dans les récits évangéliques ; mais il n’est sans doute que le plus célèbre des prédicateurs d’un mouvement spirituel assez répandu au premier siècle de notre ère.

Que devinrent par la suite tous ces courants ? Il semble bien qu’après la catastrophe de 70 et la destruction du Temple, ne subsistèrent en coexistant que deux options majeures mais non exclusives : celle des pharisiens et celle des chrétiens. Dit autrement : le rabbinisme d’un côté et le christianisme de l’autre.

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