Le dénis des cultures
de Hugues LAGRANGE – Éditions du Seuil
Après le conflit israélo-arabe (cf Comment le peuple juif fut inventé de SHLOMO SAND), les biens pensants de nouveau face à la réalité avec l’ouvrage de H. LAGRANGE sur les différentes immigrations.
Le fait de constater que les palestiniens ont en moyenne plus d’ascendance juive que les israéliens ne remet pas en cause la création d’Israël, ni sa spécificité, c’est à dire son existence même.
Il se met au niveau des bienpensants européens qui croient (ou font semblant de croire) à la solution d’un état israélo-palestinien ou la coexistence de deux états indépendants et viables.
En fait, il est très difficile pour les bien-pensants de constater qu’il n’y a pas de solution en l’état actuel (mais tout juste des palliatifs) et pour ces derniers reconnaitre la réalité est immoral.
Ce refus de la réalité ne concerne pas évidemment le seul conflit israélo-arabe mais bien d’autres sujets dont notamment le problème de l’immigration.(1)
L’immigration en France est le sujet tabou par excellence et il ne peut faire l’objet d’analyse.
Il est d’abord interdit de s’appuyer sur des statistiques par « ethnie » (à la différences d’autres pays) ce qui rend difficile une analyse scientifique, et, plus généralement toute analyse est proscrite : très schématiquement, il y a d’un côté les gaulois (français et européens de souche, juifs inclus y compris ceux d’Afrique du Nord) et le reste, les non gaulois (les immigrés et leurs descendants), les victimes des gaulois.
Toute différenciation entre les non gaulois remet en cause le principe républicain sacré d’égalité et d’uniformité et génère une suspicion de racisme, de colonialisme, de fascisme etc. (la seule exception acceptée concerne les asiatiques).
C’est la raison pour laquelle l’annonce du livre Le déni des cultures de Hugues LAGRANGE fit grand bruit dans les médias : prendre en compte la culture des différents groupes pour expliquer les variations dans la délinquance, le chômage etc. pouvait être considéré comme un biais pour contourner l’interdiction absolue, à savoir la prise en compte de différences entre les populations non gauloises.
Les différentes références morales de notre pays (CRAN, LICRA, SOS RACISME, LDH, etc.) ont été consultées par les médias et ces dernières donnèrent difficilement leur permission, soulignant que les dangers qu’une telle étude pouvait comporter, les faits pouvant être mal utilisés (toute similitude avec le Saint Office serait naturellement abusive et très peu oecuménique).
La condamnation ne s’est pas fait attendre lors d’un « débat » sur FR 3 Ce soir (ou jamais !) de Frédéric TADDÉI, un de ses collègues sociologues lui asséna que prendre en compte les cultures relevait d’une vision colonialiste : ita missa est (l’auteur est définitivement discrédité avec une présomption irréfragable de racisme, le coupable ne pouvant se défendre) ; quant au fait que l’immigration asiatique ne soulevait pas les mêmes « problèmes » que les africaines, il lui fut répondu que la raison ne venait pas d’une différence de culture mais du fait que les asiatiques étaient favorisés par un moindre racisme des gaulois.
Il est important de signaler que H. LAGRANGE est un sociologue connu, professeur à SCIENCES PO, anti-sarkosiste, anti-Besson, anti-raciste, profondément de gauche, sans doute chrétien ou fortement influencé, et considère qu’accueillir l’immigration du Sud est un devoir et que son analyse a pour but de favoriser leur inclusion : il n’apparait pas comme un néo marxiste mais plutôt comme un tiers-mondiste chrétien (cf surtout le dernier chapitre et sa conclusion) ; il est donc plus que moralement correct et cela son juge de l’émission le savait parfaitement.
L’auteur différencie les différentes immigrations afférentes par rapport à leur culture : les maghrébins, les turcs, les africains du Sahel et ceux hors du Sahel et les asiatiques, toutes ces immigrations ont une réaction différente par rapport à la culture gauloise et un comportement différent, tout en faisant remarquer l’évolution au fil des années (la culture maghrébine en France par exemple s’est profondément modifiée en quarante ans, les fils sont différents de leurs pères, arrivée de l’islamisme dans les banlieues etc.).
H. LAGRANGE note, analyse, explique les réactions différentes générées par chaque culture et leur adaptation ou non à la modernité et au développement, et ce travail est particulièrement intéressant et fouillé et permet de remettre en cause des idées reçues et des préjugés… générés justement par le refus de la prise en compte des différences de cultures.
Il y a plusieurs immigrations et les pouvoirs publics à l’instar des bien-pensants veulent ignorer la géographie
Un exemple frappant est le handicap scolaire des différents groupes et la non formation de ces enfants est la première cause du chômage structurel et permanent qui frappe et frappera ces enfants : l’auteur fait remarquer que l’échec scolaire le plus grave ne touche pas les maghrébins mais les noirs de, d’où une révolte contre l’école et la société : la carte des communes des émeutes de 2005 montre clairement le rôle moteur des jeunes noirs (et non des jeunes maghrébins).
L’inculture, la non maîtrise du français, le nombre élevé d’enfants, le machisme, le chômage frappent plus spécialement les familles noires sahéliennes et créent la culture de l’échec et de la révolte.
L’auteur rappelle de nombreuses fois que cacher la réalité, les faits, en l’occurrence les différences, non seulement n’est pas une solution mais empêche le diagnostic et ainsi les éventuelles solutions.
H. LAGRANGE dans ses nombreuses analyses ne dit pas explicitement que la situation est très grave sinon dramatique. Il n’a pas une vision trop manichéenne malgré son engagement très à gauche : il ne croit pas aux solutions dites sécuritaires mais reconnait que la gauche quand elle est au pouvoir ne fait guère mieux.
Se voulant honnête et réaliste, ses pistes ne sont que des palliatifs ou plus précisément des solutions à long terme puisqu’elles visent une inclusion et non une intégration (parmi ses pistes, une certaine mixité, à savoir par exemple que les enfants ne peuvent réussir scolairement s’ils sont concentrés dans les mêmes établissements, et essayer que les élites Maghrébines ne cherchent pas à quitter leur cité).
Il est à noter que si l’auteur croit à une certaine mixité, il ne peut que constater le communautarisme qui n’est pas forcément néfaste selon lui car générateur de solidarité.
Manifestement, l’auteur ne croit pas ou plus à l’intégration
Ainsi, il critique vertement le manque de mesures favorisant l’inclusion qui ne doit pas se contenter de dénoncer des discriminations mais doit permettre à diverses sociétés de vivre ensemble démocratiquement.
Dans cette logique, pour les immigrés musulmans il est favorable à la constructions de mosquées, à l’ouverture d’établissements confessionnels musulmans(2) mais précise subrepticement qu’il faut dire au bénéfice de qui l’inclusion doit s’opérer alors qu’il a démontré tout au long de son livre que le machisme, la polygamie, l’enfermement des femmes ce n’est pas du tout bien pour l’épanouissement des communautés.
L’auteur va aussi beaucoup plus loin dans sa logique et s’interroge favorablement sur l’idée d’une différenciation des procédures judiciaires des procédures judiciaires(3) en fonction des normes culturelles (idem pour la redistribution et la compensation)
Conclusion
Deux points ressortent de ce livre
- Ce livre pour la première fois démontre publiquement l’influence des cultures dans l’immigration et que le dissimuler pour des raisons morales est irresponsable même quand on est bien pensant.
- Sa lecture montre aussi que les craintes de certains étaient justifiées… car tout au long de ce livre aux affirmations étayées, l’auteur nous démontre que le fait de continuer à faire venir des populations « non formées » après 1970 et laisser l’immigration clandestine prospérer était une folie économiquement, ce dans une conjoncture caractérisée par une baisse continue des emplois peu qualifiés et l’apparition d’un chômage de masse.
L’échec dramatique de l’intégration a été largement causé par le retournement des années 70 et l’auteur nous démontre qu’avec la culture de ces populations l’intégration était encore moins possible…
H. LAGRANGE n’aborde pas directement le problème de savoir s’il faut tenter de freiner l’immigration clandestine mais sa conclusion en suivant sa logique devrait être qu’en l’état actuel, ce serait économiquement et socialement, pour les mêmes raisons, calamiteux.
Mais l’auteur justifie moralement les immigrations successives et futures (condamnation notamment des expulsions), et les Gaulois sont responsables de l’échec de l’intégration et du futur échec de l’inclusion de ces populations (ita missa est).
Toujours est-il que ce livre, contre son gré, est une arme redoutable pour ceux qui ne sont pas aussi bien-pensants que l’auteur.
Conclusion digressive
Un autre intérêt de ce livre est qu’il permet de soulever un problème (que les bien-pensants curieusement ne veulent pas soulever) : un bien-pensant peut il être honnête et responsable sur certains sujets, comme par exemple celui de l’immigration clandestine ?
Bertrand GALLAY
(1) Ce refus provient en grande partie du beau et vieil idéal d’intégration (mais qui ne marche plus avec l’immigration non européenne) et reconnaitre, des spécificités propres à chaque minorité, revient à remettre en cause ce mythe et la spécificité française par rapport au monde anglo-saxon et son communautarisme.
(2) Qui enseigneraient la Charia aux enfants comme en Angleterre et notamment comment couper les mains et pieds des voleurs. Donc l’inclusion oui, mais pas de tous les éléments de chaque culture… Mais qui va faire le tri ? Le Haut Conseil à l’Intégration ?
Une culture est homogène et si on doit enlever, en plus, tous les éléments néfastes au développement et à l’inclusion, pour certaines cultures on ne voit pas bien ce qui va rester. Sans continuer à faire de mauvais esprit partisan, H. LAGRANGE tombe ici dans un angélisme assez irréaliste et irresponsable.
(3) Par procédures judiciaires, il pense à lois.
On comprend ainsi sa totale opposition à FINKIELKRAUT (il fait sans doute référence à l’ouvrage paru sous sa direction Qu’est-ce que la France ?). Cela étant, sa suggestion est pleine de bon sens : le droit est l’aboutissement d’une culture et concerne les ressortissants d’un même pays. Or, la majorité de l’immigration, qu’elle ait ou non la nationalité française, partage de moins en moins les valeurs gauloises et fort logiquement rejette les lois et règlements de la Nation, dont ils estiment de toute façon ne pas être membres (l’auteur à ce propos explique et excuse cette crise de confiance des migrants dans les institutions et les autres citoyens par la xénophobie de l’État, des administrations et des gaulois : H. LAGRANGE devrait être invité à nos synodes).
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